«En période de fêtes, un jour équivaut à une semaine normale»

Cette année encore, de nombreux cadeaux photo seront déposés sous le sapin. Dans un entretien accordé à Point logistique, René Baumann, General Manager de smartphoto pour la région germanophone, évoque le défi que représente la période la plus importante de l’année pour son entreprise.

M. Baumann, à quoi ressemble la période de Noël chez smartphoto?

René Baumann: Il est évident que le stress et l’agitation gagnent du terrain, car pendant les fêtes, le temps, c’est de l’argent. Comme je le dis toujours à mon équipe: un jour équivaut alors à une semaine normale, et une semaine à un mois. Si le chiffre d’affaires est quatre fois plus élevé qu’en temps ordinaire, c’est le cas aussi des dépenses marketing. Toutes les mesures, ainsi que les réactions de la clientèle, doivent être contrôlées plus fréquemment, et nous devons réagir plus rapidement.

Quand Noël débute-t-il chez smartphoto?

Dès l’été. Nous démarrons la planification au mois d’août. Les premières commandes arrivent ensuite mi-octobre. À partir de là, les commandes de calendriers et de livres photo ainsi que d’articles cadeaux photo typiques augmentent fortement chez nous. C’est à cette période aussi que notre campagne de Noël a été lancée cette année, avec des envois gratuits et des réductions allant jusqu’à 25%.

Il y a donc vraiment des gens qui commandent déjà leurs cadeaux de Noël en octobre?

Oui! Certains de nos groupes de clientèle sont assez prévoyants sur ce point et semblent être disciplinés. Ces clientes et ces clients profitent aussi souvent de notre promotion «early bird» pour des bons à prix réduit, au sujet desquels nous communiquons dès le mois de septembre. À noter qu’il s’agit en majorité de femmes. Ce qui rejoint les observations que j’ai pu faire dans ma propre famille (rires).

L’autre extrême, ce sont les personnes qui commandent à la dernière minute. Sont-elles nombreuses?

Elles sont même très nombreuses. La tendance à ce que le pic final des commandes recule de plus en plus s’est accentuée au cours des dernières années. Cela représente un défi croissant pour nous.

Avez-vous une explication à cette évolution?

Je suppose que c’est lié au fait que d’autres commerces en ligne proposent des délais de livraison toujours plus courts. Les gens s’y sont quelque peu habitués et ont tendance à oublier que nous ne sommes pas Digitec Galaxus, Amazon ou Brack.

Qu’entendez-vous par là?

Nous ne pouvons pas simplement prendre nos produits sur une étagère, les mettre dans un colis et les envoyer. Chez nous, c’est un peu plus compliqué que cela. Nous devons tout d’abord traiter les données numériques que la clientèle télécharge. Une fois imprimées, les photos sont encore contrôlées, coupées, embellies avec du vernis ou autre. Pour les livres photo, la couverture est reliée aux pages intérieures. Certains produits, comme les mugs, sont passés au four et doivent ensuite sécher. Alors seulement, nous pouvons emballer les articles et les remettre à la Poste. Les produits avec gravure ou broderie sont également des exemplaires uniques personnalisés, qui doivent d’abord être fabriqués conformément à la conception en ligne choisie par la clientèle.

La livraison le jour même ne concerne donc pas du tout votre secteur.

Non, mais pour environ 200 produits de notre assortiment, qui en compte 900 au total, nous n’en sommes pas loin. Par exemple, du lundi au vendredi, si vous commandez un mug photo jusqu’à 16 heures, vous le recevrez, moyennant un petit supplément, 48 heures plus tard dans votre boîte aux lettres. Nous avons introduit cette offre premium il y a quelques semaines, en plus de la possibilité de choisir d’autres options de livraison, que nous avions déjà lancées avant la dernière saison des fêtes. Nous combinons l’envoi Priority de la Poste avec une production accélérée, et répondons ainsi à une demande de la clientèle.

Vous avez dit que les commandes de dernière minute représentaient un défi pour vous. Essayez-vous d’inciter les gens à s’occuper plus tôt de leurs cadeaux?

Par le passé, nous avons essayé de créer des incitations monétaires début décembre pour que les gens commandent plus tôt. Mais cela n’a pas fonctionné comme prévu. Nous avons proposé des conditions promotionnelles plus intéressantes pour les commandes précoces et perdu du chiffre d’affaires. Pour le reste, cela n’a pas changé grand chose. Peut être que nous ferons de nouvelles tentatives un jour. Pour le moment, nous nous concentrons sur le fait de communiquer clairement les délais de commande sur tous les canaux. Nous avons également créé une page récapitulative que nous actualisons quotidiennement, avec les produits qui seront encore livrés à temps pour Noël en fonction de la date du jour. Et nous travaillons avec un compte à rebours qui montre combien de temps encore il est possible de commander un produit pour qu’il soit livré dans les temps.

À Noël, il est particulièrement important de respecter les délais de livraison promis pour éviter qu’il ne manque des cadeaux sous le sapin. Cette composante émotionnelle crée-t-elle une pression supplémentaire?

Oui, mais nous la voyons comme un challenge, pas comme un fardeau. Nous sommes présents sur Internet depuis 2000 – jusqu’en 2011 sous le nom d’ExtraFilm. Nous avons donc plus de 20 ans d’expérience dans les ventes de Noël en tant que service photo en ligne. Nous savons ce qui nous attend et sommes préparés en conséquence: avec un entrepôt rempli et un personnel flexible et motivé. Notre responsable logistique a récemment déclaré que notre entreprise était une machine bien huilée. La pression est là, mais une bonne planification permet d’en réduire les effets.

Est-ce qu’il arrive souvent que les clientes et les clients ne reçoivent pas leurs cadeaux à temps?

Non. Nous avons un nombre de commandes à six chiffres en décembre – et celles-ci donnent vraiment lieu à très peu de réclamations. Peut-être une centaine. En 2021, nous n’en avons pas eu une seule. Les retards peuvent également être causés par des problèmes de paiement: les prestataires de paiement en ligne atteignent aussi leurs limites en termes de capacités les jours de pointe. Malheureusement, il arrive aussi que certaines personnes indiquent la mauvaise adresse ou une adresse incomplète. Même si la Poste réussit la plupart du temps à les retrouver, les recherches occasionnent parfois des retards de livraison.

À propos de la Poste: quel est votre degré de confiance à son égard lorsqu’il s’agit de calculer les dernières possibilités de commande avant Noël? Prévoyez-vous de la marge?

Nous faisons entièrement confiance à la Poste en ce qui concerne les délais de distribution communiqués. Nous comptons sur un taux de fiabilité de 97% à 99%, ce qui correspond au contrôle de la durée d’acheminement de la Poste. Notre expérience montre que ce chiffre est correct. C’est un super score. Nous sommes également présents dans d’autres pays européens, et là, nous tablons sur un taux de 93% à 95% dans le meilleur des cas. Je dois vraiment féliciter la poste suisse et l’ensemble de son personnel. En période de Noël notamment, nous constatons le sérieux et le professionnalisme avec lesquels elle planifie ses capacités et peut ensuite les exploiter. Nous savons par expérience qu’il n’est pas évident pour les collaboratrices et les collaborateurs d’assumer cet effort supplémentaire jusqu’à la veille de Noël. Nous leur en sommes très reconnaissants.

Combien de colis quittent chaque jour votre entreprise en période de fêtes?

Les jours de pointe, jusqu’à 40 000 envois quittent nos deux laboratoires.

Comment vous préparez-vous aux périodes de pointe à la production?

Nous avons généreusement rempli nos stocks, 5% de plus que le volume prévisionnel. Nous nous préparons également au niveau de l’impression, notre seul véritable goulot d’étranglement, où nous faisons déjà les trois-huit sept jours sur sept. Le dimanche nous sert de tampon au cas où: nous ne l’avons inclus nulle part dans les calculs des délais de commande, car il est impossible de tout prévoir avec précision. Nous avons également embauché plus de personnes au service à la clientèle. Bon nombre de collaboratrices et de collaborateurs travaillent à temps partiel pendant l’année, mais augmentent leur temps de travail pendant la période de Noël. Idem au laboratoire. En dernier recours, il arrive que le personnel du marketing et de l’administration donne un coup de main au laboratoire. Même le CEO du groupe s’est retrouvé une fois à une chaîne d’emballage et moi, au tri – un secteur qui, depuis, a toutefois été entièrement automatisé.

Est-ce une fausse impression, ou de nombreux fournisseurs se disputent-ils les faveurs de la clientèle des articles photo en Suisse?

C’est effectivement un marché très concurrentiel avec beaucoup de fournisseurs. Mais les principaux opérateurs détenant une part de marché significative sont au nombre de cinq environ. Nous les rencontrons régulièrement et échangeons avec eux sur les défis du secteur, dans l’esprit d’une communauté informelle d’intérêts. Par exemple, nous sommes tous confrontés à l’augmentation constante des coûts de Google Ads.

Qu’évoque pour vous Noël sur un plan personnel?

Quand j’étais enfant, j’avais un sentiment ambivalent vis-à-vis de Noël, car je suis né un 26 décembre et je n’avais donc la plupart du temps qu’une fois droit à des cadeaux (rires). Aujourd’hui, c’est pour moi une période intense, parfois stressante, que je vis dans mon activité. Mais elle a aussi des bons côtés: il y a de l’animation et beaucoup de clientes et de clients nous sont reconnaissants, certains envoient même parfois des fleurs au service à la clientèle. Les cadeaux photo sont vraiment des cadeaux émotionnels.